(Source : Le Monde en ligne; Publié le 23 janvier 2017) Il existe plusieurs définitions de ce qu’est une théorie conspirationniste (on dit aussi « complotiste »). D’une manière générale, l’expression désigne les thèses qui affirment qu’un groupe plus ou moins occulte manipule le monde ou au moins certains grands événements (élections, attentats…) dans le plus grand secret. Selon les cas, il peut s’agir des « reptiliens » (des reptiles humanoïdes), des Illuminati, des francs-maçons, ou toute autre organisation à l’influence supposément importante – mais toujours cachée.
On constate souvent que les théories conspirationnistes circulent abondamment sur les réseaux sociaux, particulièrement après des événements comme les attentats de Paris en novembre 2015. Voici quelques signes qui permettent de déceler les théories conspirationnistes et quelques conseils pour les déconstruire.
1. Un groupe obscur qui tire les ficelles. On retrouve souvent dans les thèses complotistes l’idée selon laquelle tout serait cousu de fil rouge, manigancé à l’avance et dans le secret par un groupuscule qui domine le monde (au choix : les Juifs, les Illuminati, les Reptiliens, etc.), sans en avancer la moindre preuve.
2. Le détail présenté comme une preuve absolue. En principe, plus une information est surprenante ou plus une accusation est grave, plus il est nécessaire de l’étayer. La rhétorique conspirationniste fait l’inverse. Par exemple, la carte d’identité du terroriste Saïd Kouachi retrouvée dans le véhicule abandonné après l’attentat de Charlie Hebdo, a été présentée comme la preuve d’une mise en scène « trop grosse pour être vraie ». Les explications les plus vraisemblables penchent plutôt pour un simple oubli dans la précipitation ou une volonté de signer le crime.
3. Les coïncidences qui deviennent des preuves. Une autre grosse ficelle consiste à utiliser des éléments a priori sans incidence comme autant de preuves que tout est manipulé. Par exemple, après l’attentat de Nice le 14 juillet 2016, une théorie conspirationniste a présenté les faits comme une tuerie manipulée par le Mossad, sous le simple prétexte qu’un touriste juif avait filmé la scène. Il y avait pourtant des milliers de personnes sur place.
4. L’absence de source fiable devient un argument supplémentaire. Il est tout à fait légitime de demander des preuves, face à des accusations aussi graves que le fait d’avoir monté un attentat de toutes pièces par exemple. Et le discours complotiste a souvent une réponse toute trouvée : « S’il n’y a pas de preuve, c’est normal. Elles ont été effacées ou cachées par ceux qui nous manipulent ! »
5. La rhétorique conspirationniste n’accepte pas les remises en cause. Tout argument valide qui va à son encontre est écarté en invoquant le fait qu’il s’agirait d’une manœuvre de diversion, d’une manipulation téléguidée par le groupe occulte dont on parle, voire en l’ignorant complètement. Le tout sans jamais répondre sur le fond du sujet.
6. Parfois, on ne peut pas tout expliquer dans la foulée d’un événement. Dans le cas d’événements complexes, il faut souvent des jours, des mois voire des années pour faire la lumière sur les circonstances précises. Cela n’a rien d’anormal.
7. Attention à ne pas voir des conspirationnistes partout. Il existe des définitions plus ou moins larges du complotisme, mais il ne faut pas réduire toute critique ou tout doute exprimé à une théorie conspirationniste. Il est tout à fait légitime d’interroger un discours auquel on est confronté, d’exiger des explications, des arguments, des preuves. L’important est simplement de ne pas inverser les choses, en tirant des conclusions inverses et définitives sans réelle preuve.
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