mardi 4 juin 2019

Info Géographie Terminale 📰 : les réfugiés environnementaux

Info Géographie Seconde 📰 : les réfugiés environnementaux 

Vers des guerres climatiques ? | CLES : Notes d’Analyse Géopolitiquehttp://notes-geopolitiques.com/vers-des-guerres-climatiques/
Le changement climatique pourrait plonger dans l’extrême pauvreté entre 35 et 122 millions de personnes supplémentaires d’ici à 2030, selon le rapport 2016 de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

En première ligne, avec 50 millions d’habitants contraints de quitter leur lieu de vie: l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud et du Sud-Est.
Un scénario directement inspiré des travaux du GIEC, peu abordé lors de la COP21, mais qui avait déjà conduit la Fondation Nicolas Hulot à estimer que « le problème des réfugiés climatiques pourrait bien être le défi majeur du XXIsiècle » (20/05/2015) : « Sur les 22 millions de personnes ayant dû abandonner leur domicile en 2013 à la suite d’une catastrophe naturelle, 31 % ont été déplacées du fait de désastres hydrologiques (inondations) et 69 % du fait de catastrophes météorologiques (tempêtes, ouragans, typhons). »
A l’heure où les pays de l’Union européenne semblent déjà déstabilisés par l’arrivée de quelque 2 millions de « migrants », les chiffres donnent le vertige.
  1. Mais ils incitent plus que jamais à éviter deux écueils: le catastrophisme et l’angélisme.

Les chiffres de l’ONU relevés par la Fondation Hulot se veulent une alerte. Ils ne sont pas isolés.
L’hydrologiste Janos Bogardi, de l’université de Bonn (Global Water System Project), estimait début 2008 à 25 millions de personnes le nombre d’« écoréfugiés » dans le monde, avant d’en prévoir 150 millions d’ici à la fin du siècle.
Et pour le professeur Alain Nonjon, collaborateur du site Diploweb, il est indéniable qu’« une nouvelle catégorie de migrants, les réfugiés environnementaux, est apparue » (cf. note CLES n°78, Migrations climatiques, 13/09/2012).
Des causes naturelles aux mouvements de populations
Si les catastrophes naturelles, d’origine atmosphérique ou hydrologique, ont depuis l’Antiquité provoqué d’importants déplacements de population, voire la disparition de civilisations, le phénomène semble avoir pris de l’ampleur.
Y contribuent la densité démographique croissante, ainsi sans doute que l’écho médiatique de ce type d’événements.
Mais nous assistons aussi à une accumulation de phénomènes qui ont une conséquence directe sur l’habitat des hommes, leurs organisations économiques et sociales : « avancée du désert de Gobi en Chine, qui s’agrandit de 10 000 km² par an, inondations au Bangladesh et dans le delta du Nil, submersion d’archipels comme les îles Tuvalu où 11 600 personnes sont menacées par l’élévation du niveau de la mer, ou encore le recul des glaces et du trait de côte induit par la fonte du pergélisol et par la montée croissante des eaux qui menace directement plus de 200 communautés inuits et amérindiennes d’Alaska » (Fondation Nicolas Hulot, 20/05/2015).
Les marges de l’Europe ne sont pas épargnées, si l’on songe qu’environ 50 % des terres arables irriguées en Égypte sont touchées par la salinisation, ou que la Turquie voit 160 000 km2 de sols cultivables d’ores et déjà dégradés par l’érosion et le manque d’eau…
À la menace sur la sécurité alimentaire du globe s’ajoute celle sur la sécurité tout court – celle des populations directement concernées, bien sûr, mais également celle de leurs voisins et de la région tout entière.
Au-delà des « émeutes de la faim » provoquées par la crise alimentaire mondiale de 2007-2008, qui ont notamment touché l’Égypte, le Maroc, l’Indonésie, les Philippines et Haïti, ou des scènes d’émeutes et de pillage qui affectent les agglomérations frappées par des catastrophes naturelles (ouragan Katrina de 2005 en Louisiane, notamment), la concurrence pour l’accès aux ressources vitales s’impose de manière plus évidente encore comme un invariant des sociétés humaines.
Les changements climatiques, facteurs de troubles géopolitiques
Dans un article fouillé pour Le Monde diplomatique (août 2015), la journaliste Agnès Sinaï s’attache « aux origines climatiques des conflits ».
Elle estime que l’absence de précipitations et les tempêtes de sable dans l’est de la Chine, durant l’hiver 2010-2011, ont directement contribué aux « printemps arabes »: « La perte de récoltes a en effet contraint Pékin à acheter du blé sur le marché international. La flambée du cours mondial qui s’est ensuivie a alimenté le mécontentement populaire en Égypte, premier importateur mondial de blé, où les ménages consacrent couramment plus du tiers de leurs ressources à la nourriture. Le doublement du prix de la tonne de blé, passé de 157 dollars en juin 2010 à 326 dollars en février 2011, a été fortement ressenti, [ce qui] a accru le mécontentement populaire contre le régime autoritaire du président Hosni Moubarak ».
Agnès Sinaï cite aussi le cas de la Syrie, confrontée entre 2006 et 2011 à l’une des pires et des plus longues périodes de sécheresse de l’histoire de la région, provoquant l’exode d’un million et demi d’habitants (sur 22 millions) vers les villes, déjà en proie aux « tensions provoquées par l’afflux de réfugiés irakiens qui avait suivi l’invasion américaine de 2003 ».
Selon l’étude « The Arab Spring and climate change » (Center for Climate and Security, 02/2013), l’effondrement du système agricole syrien résulte d’une « combinaison de changements économiques, sociaux, climatiques et environnementaux [qui] a érodé le contrat social entre les citoyens et le gouvernement, catalysé les mouvements d’opposition et irréversiblement dégradé la légitimité du pouvoir d’Assad ».
La dégradation de la qualité des terres dans le nord du Nigeria, en perturbant les modes de vie agricoles et pastoraux locaux, mais aussi les principales routes migratoires, n’est pas neutre dans l’irruption du phénomène Boko Haram (cf. note CLES n° 151, 05/02/2015).
Et dans Les guerres du climat (2009), le psychosociologue allemand Harald Welzer estime que le Darfour, au Soudan, constitue « la première guerre climatique de l’histoire », faisant remonter l’origine du chaos actuel à la grande sécheresse de 1984 qui avait particulièrement éprouvé l’Ethiopie voisine.
S’appuyant sur une étude de juin 2007 de l’UNEP (United Nations Environment Program), Welzer résume ainsi la situation : « Au Darfour, les problèmes liés à l’environnement, combinés avec un accroissement exorbitant de la population, créent les conditions-cadres de conflits violents qui éclatent le long des frontières ethniques – donc entre Africains et Arabes. C’est-à-dire que des conflits qui ont des causes écologiques sont perçus comme ethniques – et ce par les participants eux-mêmes ».
Sans céder à la tentation de l’explication monocausale, la primauté des facteurs économiques chers à l’analyse marxiste orthodoxe étant remplacée par celle des facteurs écologiques, force est de reconnaître l’interaction entre la dégradation des conditions climatiques, des conditions économiques et sociales et finalement des conditions sécuritaires au sein d’un même espace géographique.
Une mécanique déjà largement observée dans l’histoire – l’histoire de France en particulier.
Des motifs supplémentaires de montée de la conflictualité
Le changement climatique deviendrait un« multiplicateur de menaces » selon le Center for a New American Security, un think tank créé en 2007 à l’initiative de militaires américains.
Les Anglo-saxons restent en pointe dans ce domaine d’expertise. Dans Climate Wars(Oneworld Publications, 2010), le journaliste Gwynne Dyer décrit « un monde où le réchauffement s’accélère et où les réfugiés, affamés par la sécheresse, chassés par la montée des océans, tentent de gagner l’hémisphère Nord, tandis que les derniers pays autosuffisants en nourriture, ceux des plus hautes latitudes, doivent se défendre, y compris à coups d’armes nucléaires, contre des voisins de plus en plus agressifs : ceux de l’Europe du Sud et des rives de la Méditerranée, transformées en désert » (Agnès Sinaï, Le Monde diplomatique, op. cit.).
Dans « Warming increases the risk of civil war in Africa » (PNAS n°49, 2009), Marshall B. Burke, de l’université de Berkeley, et ses coauteurs anticipent une hausse de 54 % des conflits armés dans le monde d’ici à 2030.
« Leur étude propose la première évaluation d’ensemble des impacts potentiels du changement climatique sur les guerres en Afrique subsaharienne, analyse encore Agnès Sinaï. Elle met en lumière le lien entre guerre civile, hausse des températures et baisse des précipitations en extrapolant les projections médianes d’émissions de gaz à effet de serre du GIEC pour ces régions entre 2020 et 2039. »
Et pour Harald Welzer, le changement climatique ne va pas seulement provoquer des motifs supplémentaires de conflits violents, mais aussi de nouvelles formes de guerre – « des espaces d’action pour lesquels aucun référentiel n’est fourni par les expériences vécues dans le monde fort paisible de l’hémisphère occidental depuis la Seconde Guerre mondiale ».
Partant du principe qu’il y a aujourd’hui « au moins autant de personnes déplacées dans le monde à la suite de dégradations de l’environnement que de personnes déplacées par des guerres et des violences » (François Gemenne), faut-il appliquer à ces « déplacés » le statut internationalement reconnu de « réfugiés » ?
Ce n’est pas le sens de la convention de Genève, qui définit comme réfugié « toute personne qui craint avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques et qui ne peut, du fait de cette crainte, rester dans son pays ».
Il conviendra cependant de trouver des solutions pérennes pour éviter le chaos que certains analystes nous prédisent.
Pour aller plus loin :
  • La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture, FAO, http://www.fao.org, 17/10/2016 ;
  • « Les réfugiés climatiques, trois fois plus nombreux que les réfugiés de guerre », Norwegian Refugee Council & Fondation Nicolas Hulot, 20/05/2015 ;
  • « Aux origines climatiques des conflits »Le Monde diplomatique, 2015 ;
  • Les guerres du climat, par Harald Welzer, Folio actuel n°152, 2012, 448 p., 24,90 €.

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