dimanche 23 juin 2019

Info Terminale 📰 « Viêtnam La sale guerre » ARTE – Documentaire – 2015

Un documentaire à voir pour les élèves de classe de Première (la guerre froide) et pour les élèves de Terminale dans le cadre du chapitre 3 sur « Les chemins de la puissance », une vidéo qui montre l’impact de la guerre du Vietnam (1962-1973) dans la politique étrangère des Etats-Unis et intérieure du pays.

EMC Seconde: écrire la laïcité

EMC Seconde: écrire la laïcité

La laïcité en débat: de la préparation…

La journée de la laïcité, pour célébrer la loi du 9 décembre 1905,  a été un moment intense  et vécu avec beaucoup d’émotion car elle a été l’aboutissement d’une longue réflexion commune avec mes élèves, lycéens en classe de Seconde, option « Arts du Spectacle, danse et théâtre, qui furent très choqués comme nous le fument tous, les Français, à la suite du 2ème attentat commis à Paris le 13 novembre en plein cœur de Paris, dans le 11ème arrondissement , le Paris bohême, le Paris des jeunes artistes branchés, le Paris de la musique underground, le Paris des jeunes étudiants, le Paris des vieux titi Parisiens, le Paris des travailleurs venus de toute part, le Paris qui vibre avec ses bars, ses cafés, ses discothèques, et surtout le Paris de la jeunesse et des adultes à la force de l’âge.

Et c’est bien cela qui a touché nos lycéens dans tout l’hexagone, des jeunes gens français ou venant d’autres horizons, d’Argentine, d’Egypte, du Maroc,  venus se rassembler pour venir écouter de la musique rock au Bataclan, une de ses vielles salles de la belle Epoque où venaient s’encanailler les bourgeois au sortir des restaurants rupins des grands  boulevards. L’incompréhension, la tristesse, la colère puis vint le temps des réponses, des solutions, des actions car les explications ne sont plus nécessaires; elles ont été déjà données avec le précédent attentat qui a endeuillé la France en début d’année avec l’assassinat des quatre dessinateurs emblématiques de Charlie Hebdo et la mort de huit autres personnes le 7 janvier suivi deux jours plus tard par la mort de quatre personnes de confession juive au cours d’une prise d’otage dans une superette casher porte de Vincennes par des terroristes islamistes.
Nouveau document 2 1
dessin de Léa élève de Seconde
L’idée de fêter cette journée de la laïcité décidée quelques mois plutôt par le gouvernement et à l’issue de ces deux attentats terroristes s’imposer. Avec ma collègue, professeur de danse et d’EPS, nous avons eu l’idée de proposer un spectacle dansé sur le thème « la Laïcité c’est, la laïcité ce n’est pas » avec un débat en présence d’une classe de Première Littéraire au cours d’ une 1ère heure et une nouvelle  présentation  du spectacle dansé devant une classe de Cinquième, option « danse » d’un collège limitrophe. L’idée de faire le lien entre ces deux établissements dans le même bassin était pertinente, d’autant plus que certains de nos élèves de la classe de Seconde y ont fait leur scolarité, manière de montrer à la nouvelle génération de collégiens l’accessibilité de l’Olympe, le lycée pas si effrayant et si éloigné de leurs années d’études.
Il a fallu réagir très vite car  moins d’un mois nous séparer du mercredi 10 décembre, grâce à quelques heures imputées aux heures de classe entière, aux heures d’EMC, à des heures supplémentaires (bénévoles) et à des heures « prêtées » par des collègues, les élèves ont pu préparer le débat, assimiler les notions de « liberté de conscience », « liberté d’expression », « le blasphème interdit », « vivre ensemble », « tolérance » en autres.
Les élèves ont étudié la charte de la laïcité à l’école à partir d’une fiche de travail « comprendre la laïcité », ensuite après des recherches sur des thèmes proposés, ils ont préparé le débat en proposant des questions et des réponses argumentées, un travail proposé par groupe, des binômes de 2 élèves. Tandis qu’un groupe d’élèves assimilait la lecture d’un texte choisi parmi ceux qui étaient proposés, un extrait d’Abdennour Bidar , « Nous avons tous besoin d’intégration !», extrait de son livre : « Plaidoyer pour la fraternité », Albin Michel, 2015, 110 pages, 6 € (pages 27-31), fut retenu pour en faire la lecture à la fin du débat. Et voici le résultat!
Quelques photos montrant les échanges entre les élèves de Première Littéraire et ensuite avec les petits collégiens intimidés puis gagnés par la confiance envers leurs aînés, les élèves danseurs,  la complicité de ces échanges autour de la laïcité s’installa.

…à la réalisation: la laïcité affirmée

A la suite de ce spectacle les élèves ont constitué un dossier à ma demande, réalisé en classe en EMC et terminé à la maison, sur deux sujets en rapport avec les tragiques évènements de l’année 2015, portant atteinte à des valeurs intangibles de notre République démocratique: « Laïcité et liberté d’expression » (en référence à l’attentat de Charlie hebdo) et « liberté et fraternité » (en référence à l’attentat du 13/11/15).
A partir d’une grille de travail, il était demandé de réfléchir sur  l’impact de ces deux évènements par rapport au principe de la laïcité française et de la démocratie fondée sur la « volonté de vivre ensemble ». Il était également recommandé d’utiliser comme sources de référence, le travail et la remédiation faîtes en classe sur l’étude de la charte de la laïcité à l’école, les articles analysés de la loi de 1905 ainsi que des textes fondateurs comme la DDHC, les lois ferry-Goblet, etc.
Il était recommandé de ne faire aucun copier-coller et aucun site internet à visiter; seule leur propre réflexion et assimilation des notions comptaient: s’approprier les éléments de la charte et de la laïcité. L’étape suivante sera l’analyse critique de la propagande djihadiste contre la laïcité, une analyse critique des fausses informations propagées par le net et les réseaux sociaux, contre les hoax, à partir d’images ou de courtes séquences vidéos. Les élèves feront l’apprentissage de l’étude critique des médias (objet de débat).
plume et encrierDes exemples de travaux d’élèves: des élèves de classe de Seconde, option « Arts du spectacle ». (Des réalisations avec des imperfections mais des travaux d’élèves très concernés par le sujet qui montrent une réflexion construite, mature, pertinente et sensible, mérités d’être valorisés.)  
Une  production réussie, personnelle  par Ines, Rihen, Yasmine  sur le thème « La laïcité et la fraternité ».
Un dossier sous forme de composition, une réflexion magistrale par Estelle et Sabrina sur le « thème La laïcité et la liberté d’expression ».
Un autre dossier sur le thème « la laïcité et la liberté d’expression » analysé sous un autres  angle  par Damien et Julien.
Puis cette réflexion commune a abouti à la réalisation d’une vidéo/clip de 2mn30 réalisée avec/par les élèves de Seconde option danse et dans le cadre de l’EMC sur le thème « Tous unis dans la laïcité »;  la fraternité, l’égalité, la liberté de conscience, une culture commune partagée, l’égalité homme/femme, 5 items retenus sur la laïcité.

samedi 22 juin 2019

EMC Lycée: La laïcité en France, une spécificité? Proposition activités pédagogiques

La laïcité en France
Des séquences pédagogiques sont proposées par Christophe Gracieux professeur agrégé d’histoire de l’Académie de Versailles sur enseigner la laïcité en EMC au lycée.
A partir des archives INA, rubrique jalons de l’histoire, un site pédagogique destiné aux enseignants et à leurs élèves. (Source: http://fresques.ina.fr/jalons/parcours/0165/la-laicite-en-france.html)

jeudi 20 juin 2019

Info HGGSP : Coran est-il un livre comme les autres?

Info Histoire Seconde et Terminale : Coran est-il un livre comme les autres?

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Coran n’est pas le seul texte sacré de l’humanité. En quoi tient donc sa singularité ?
(Source : article de Michel Orcel dans la Revue Sciences Humaines section Grands Histoire n°4, La Grande Histoire de l’Islam nov/décembre 2015-16, article paru en ligne 11 décembre 2015)

« Le Coran n’est pas le seul livre que les adeptes d’une grande religion humaine considèrent comme possédant un statut spécifique, sacral, d’origine divine. Loin s’en faut. Sans même parler du Véda des hindous ou de l’Avesta zoroastrien, la Bible se présente comme la compilation d’histoires et de textes directement inspirés par Dieu, notamment à travers la voix de ses prophètes. Chez les chrétiens, sans avoir exactement la même valeur, le statut de la Bible (dite « Ancien Testament ») est identique, avec cette différence de taille que les Évangiles (« Nouveau Testament »), relatant les faits et les paroles de Jésus, Fils de Dieu, viennent « accomplir » les écritures hébraïques.
Parmi les textes saints, la spécificité du Coran tient, pour la majorité de la communauté musulmane, dans la croyance selon laquelle le texte saint, prophétisé par Mahomet, est la Parole « incréée » de Dieu, « descendue » sur le Prophète tout au long de son apostolat. Il ne s’agit plus alors d’un livre « inspiré » mais « dicté ». En somme, le Coran occupe approximativement pour l’islam la nature et le rôle que Jésus, Verbe de Dieu et Dieu lui-même, occupe dans le christianisme. On comprend dès lors que le Coran soit communément considéré par les théologiens musulmans comme un « attribut » de Dieu, consubstantiel à Lui. Soulignons que, pour résoudre la difficulté à articuler cette nature divine du texte saint et sa réalité graphique (donc matérielle) et historique (car l’apostolat de Mahomet a une histoire et le Coran répond aussi à des événements précis de son époque), le courant rationaliste, dit mu‘tazilite, qui représenta même l’orthodoxie musulmane pendant une vingtaine d’années au 9e siècle, recourut à la notion de « Coran créé ». Notion répulsive pour le croyant commun d’aujourd’hui mais qui, après avoir apparemment disparu pendant plusieurs siècles, semble faire retour chez les penseurs réformistes contemporains.
D’énigme en découvertes
Si l’on demande à un islamologue occidental qui est l’auteur du Coran, le chercheur ne pourra que rester coi – sauf à répéter la vulgate musulmane. Mais si on lui demande qui a mis par écrit le Coran, il pourra ébaucher quelques réponses. Tournons-nous donc vers la question de la rédaction du Coran. Nous rencontrerons une réponse officielle et… de nombreuses énigmes. Pour la tradition, à la mort du Prophète, le Coran n’avait qu’une existence orale : à peine s’il existait des fragments épars notés sur des matériaux de fortune, le reste étant mémorisé en partie ou en totalité par de pieux disciples. Ce serait sous le troisième successeur de Mahomet, le calife ‘Uthmân, que, par crainte de voir la communauté diverger à propos du texte saint (car certains musulmans s’étaient constitué des recensions personnelles des révélations prophétiques), on se serait préoccupé d’en fournir une version canonique, tâche supervisée par l’un des secrétaires du Prophète. Une fois cette version établie, on en aurait envoyé des copies dans les grandes villes de l’empire. Et l’on aurait détruit les versions non concordantes.
Ce récit n’est pas irrecevable, mais rien ne vient le vérifier matériellement. Et de nombreux documents, mineurs mais signifiants, permettent d’imaginer une histoire un peu différente. Aucune des copies de ‘Uthmân ne nous est d’ailleurs parvenue, et jusqu’à une date récente on ne possédait du Coran que des versions beaucoup plus tardives. C’est notamment cette carence qui a permis aux « révisionnistes » (l’Américain John Wansbrough au premier chef) de soutenir que la version actuellement canonique du Coran avait été fixée très tardivement, au 10e siècle. Or un événement considérable s’est produit il y a quarante ans : la découverte des manuscrits de Sanaa, au Yémen. Bien que nous soyons encore loin d’avoir une analyse détaillée de ce matériau extrêmement riche (des milliers de manuscrits et autres palimpsestes), il est sûr que nous tenons là quelques-unes des plus anciennes versions écrites du Coran, si anciennes même qu’on peut les dater du troisième ou quatrième quart du 7e siècle, soit au plus tard cinquante ans après la mort du Prophète. Or même si les manuscrits coraniques de Sanaa ne sont pas absolument identiques au texte canonique actuel (ce qui irrite les intégristes et explique sans doute les réticences des autorités yéménites), ils en sont si proches que leur découverte ruine l’essentiel des thèses révisionnistes.
Déconstruire son histoire
De fait, entre le Coran – Parole incréée mais lacunaire quant au dogme et à la loi sociale – et l’islam comme corpus de croyance et corps politique, il a bien fallu que s’inventent, sur une durée minimale de soixante-dix ans (entre le début de la prédication de Mahomet et l’érection du dôme du Rocher à Jérusalem) et probablement beaucoup plus, une théologie, une dogmatique, une spiritualité, un droit qui ne préexistaient pas ou n’étaient qu’esquissés dans le texte saint. La biographie du Prophète et les hadîth*fournissent un récit officiel de cette « invention » ; mais ces deux sources n’ont été compilées que très tardivement et dans des conditions qui ne satisfont nullement aux critères requis par la science occidentale. L’islam lui-même reconnaît l’authenticité très variable des hadîth et en a codifié la valeur selon des normes qui lui sont propres. En réalité, nous ne savons que très peu de choses de ce moment augural. Des sources externes ou secondaires (grecques, syriaques, arméniennes, juives) nous renseignent sur l’historicité du Prophète et de son apostolat, sur sa connaissance religieuse, sur les liens originels du judaïsme avec l’islam naissant, etc. Ces références sont passionnantes, non seulement parce qu’elles témoignent d’une vérité historique, mais parce qu’elles attestent de la source commune des trois religions monothéistes. À partir de ces documents, on peut dire, sans surprise, que Mahomet joua un rôle religieux, politique et militaire. Aux yeux de nos « témoins » externes (amicaux ou hostiles), il semble qu’il ait proposé aux Arabes une sorte de judaïsme rectifié ou de christianisme non incarnationniste, proche de celui de l’hérésie arienne ; qu’il ait voulu ou souhaité reprendre Jérusalem pour hâter la venue du Messie ; enfin qu’il ait reçu l’appui des Juifs, alors persécutés par Byzance. Ces sources, on le voit, recoupent partiellement le dogme musulman ; et la figure du chrétien Waraqa, qui, dans la tradition musulmane, atteste le premier de la véracité du message divin reçu par Mahomet, pourrait bien être la trace de la parenté de l’islam avec ce que l’on appelle aujourd’hui le judéo-nazaréisme, c’est-à-dire un judaïsme ayant reconnu la messianité de Jésus sans accepter pour autant sa nature divine. Étudier la naissance de l’islam, ses liens avec le judéo-christianisme et son expansion impériale, qui s’est effectuée de façon beaucoup plus pacifique que le dit la doxa, conduit ainsi à ruiner la thèse du prétendu « choc des civilisations », du moins comme phénomène génétique.
Une constitution polyphonique
Cela dit, qu’en est-il de la nature et de la constitution du corpus coranique ? Ce souci peut être d’ordre polémique, comme on le voit souvent aujourd’hui, spécialement chez les islamophobes. Mais il est propre avant tout à l’esprit scientifique et paraît, de ce point de vue, tout à fait légitime. Force est de reconnaître, par ailleurs, que ce travail historico-critique a été fait depuis longtemps sur les origines du christianisme, tandis que les musulmans s’en sont bien gardés et que les orientalistes européens se sont souvent contentés de suivre la version canonique que donne l’islam de son histoire, sans s’interroger sur l’historicité de ces faits.
De fait, l’étude historico-critique confirme qu’il existait des variantes textuelles (assez mineures, au fond) dès l’époque du Prophète, et que l’ordre des sourates n’était pas du tout l’ordre aujourd’hui canonique. Une récente thèse – Le Coran révélé par la Théorie des codes de Jean-Jacques Walter (2014) –, fondée sur une étude mathématique d’un type nouveau, va dans le sens d’une constitution très progressive et « polyphonique » (plusieurs auteurs) du Coran. Pour provocateurs qu’ils puissent paraître, et bien qu’ils alimentent souvent « l’islamophobie savante », ces travaux sont très utiles et devraient pousser les chercheurs musulmans à opérer un minutieux travail de vérification, et à poursuivre cette quête de vérité historique dont l’islam ne dispense en aucune manière le croyant (il faudrait ici citer tous les appels coraniques à la raison humaine et au décryptage des « signes » divins). Signalons en passant que plusieurs chercheurs occidentaux, telle Patricia Crone, sont revenus sur leurs thèses iconoclastes, et que les travaux du fameux Luxemberg, qui a cru découvrir dans certaines sourates des copies arabes d’hymnes chrétiens syriaques, sont à la fois stimulants et entachés d’erreurs.
Clash entre islam et science
L’islam devra tôt ou tard affronter la déconstruction de son histoire. L’Église a dû subir la même épreuve ; elle n’en est pas moins vivante. Pour l’instant, il y a un problème entre l’islam et la science. La majorité des musulmans (y compris des jeunes élites) s’accrochent à une lecture purement sacrale et totalisante du Livre saint, lecture qui leur interdit de penser à la fois la vérité scientifique et la vérité religieuse – lesquelles, en réalité, ne sont pas du même ordre. Les passionnantes études du père Michel Cuypers montrent que ce n’est pas parce que l’on étudie les origines du Coran, ou que l’on dit qu’il a une histoire humaine, qu’on le désacralise. De ce point de vue, il serait bienvenu de revenir à la liberté des penseurs originels de l’islam. Ce travail est d’autant plus urgent qu’en se réfugiant dans la certitude qu’ils ont entre les mains un texte intouchable et une vérité absolue, les musulmans laissent le champ libre aux chercheurs qui veulent décrédibiliser leur foi et aux pires islamophobes…
En vérité, une grande part des « vérités révélées » des religions monothéistes rejoignent un fonds commun à presque toute l’humanité. Ce fonds-là n’a rien à voir avec la rationalité et avec l’histoire. Le croyant entre en relation avec sa croyance, et cela suffit. Là où les choses se compliquent, c’est quand les hommes « sacralisent » et l’on pourrait même dire « divinisent », à l’extérieur, dans l’espace social, les objets de leur foi. C’est, semble-t-il, ce qui s’est passé avec le Coran et – à un degré moindre – avec la figure du Prophète. Le premier est devenu un « attribut consubstantiel » à Dieu, et le second une figure qui excite aujourd’hui chez les musulmans une véritable « adoration », qui devrait être proprement scandaleuse pour les croyants, puisque, selon les termes mêmes de la confession musulmane, « il n’y a pas de dieu, sinon Dieu ». Que cette sacralisation du Coran ait été et continue d’être une force de première grandeur dans la religion musulmane (face aux « réformes » de l’Église, par exemple, qui a renoncé à sa langue sacrée et à une part de sa liturgie), c’est indubitable, mais le fait est que cette sacralisation a bloqué la recherche et fini même par rendre inutile, aux yeux des croyants de base ou des nouveaux convertis, toute autre lecture, toute autre science. Si le Coran est la Parole même de Dieu, qu’il contient tout, pourquoi en effet lire autre chose, pourquoi chercher ailleurs des vérités partielles ?
La possibilité d’une lecture littérale
Pour revenir au titre de cet article, disons que le Coran est et n’est pas un livre comme les autres. S’il s’apparente à la Bible et aux Évangiles, dont d’ailleurs, il se réclame, les musulmans tiennent fermement à sa nature de Parole incréée, tandis que les lecteurs laïques ont tendance à y voir un corpus constitué au cours d’une histoire humaine. Il est bien possible qu’une des erreurs initiales, fondamentales, de l’islam ait été l’inquisition mu‘tazilite, qui, par retour de bâton, a provoqué la réaction littéraliste et la pétrification du Coran comme « attribut de Dieu » et du hadîth comme tradition prophétique. Aux gens simples comme aux grands spirituels, il fallait, il faut laisser la possibilité d’une lecture littérale du texte saint. Aux chercheurs, on laissera la liberté de chercher… »
Pour aller plus loin…
• L’Invention de l’islam. Enquête historique sur les originesMichel Orcel, Perrin, 2012.
•  Idées reçues sur le Coran Michel Cuypers et Geneviève Gobillot, Le Cavalier bleu, 2007.
•  Dictionnaire du Coran Mohammad-Ali Amir-Moezzi (dir.), Robert Laffont, 2007.
Que lit-on dans le Coran ?
Le Coran se présente comme l’ensemble des révélations de Mahomet. Ce livre comprend quelque 6 226 versets, répartis entre 114 sourates de longueur inégales, comprenant de 3 à 286 versets. Les spécialistes distinguent les sourates estimées promulguées à La Mecque entre ≈ 610 et 622 (d’ordre plus religieux), de celles dictées à Médine de 622 à 632 (d’ordre plus politique). Elles sont classées non par ordre chronologique mais par taille, des plus longues aux plus courtes.
Le contenu peut se résumer en quelques points essentiels :
• de nombreuses exhortations à n’adorer que Dieu (Allâh), unique et indivisible ;
• le commandement de suivre les révélations de Mahomet, le Prophète ultime, qui corrigerait les « erreurs » des textes saints juifs et chrétiens ;
• la certitude que l’humanité sera ressuscitée à la fin des temps : les croyants iront au paradis, les incroyants en enfer ;
• des conseils d’ordre moral ;
• des dispositions juridiques.
Un certain nombre de passages font référence aux événements vécus par la communauté d’origine, regroupée autour du Prophète. En ce sens, la trajectoire des premiers croyants acquiert le statut d’une histoire de référence, d’un mythe.
Il est souvent reproché au Coran de contenir des passages exaltant la guerre. Les musulmans préfèrent souligner les versets appelant à la coexistence pacifique. On y trouve les deux. Comme dans la Bible, où le Lévitique appelle à aimer son prochain quand le Livre de Josué exalte les génocides.
Terminons par un conte, en nous inspirant de John R. Bowen (L’Islam à la française, 2011) : une femme vivant en France vient consulter un imam*. Elle lui demande si, contractant un mariage religieux, elle et son mari doivent aller en mairie procéder à un mariage civil. L’imam exclusivement formé en Arabie Saoudite aura plutôt tendance à estimer que le mariage religieux suffit – Allâh est seul juge, l’administration française ne t’apportera que des ennuis. L’imam conscient des réalités locales recommandera le mariage civil – tu auras davantage de droits et de garanties sur ton patrimoine, tes enfants. Les deux argumenteront sur fond de lecture coranique et de référence auxhadîth, choisissant leurs exemples dans une large palette polysémique. S’il est hors de question de réécrire le Coran, on peut en choisir sa lecture.
Laurent Testot
Michel Orcel
Écrivain et islamologue, il est notamment l’auteur de L’Invention de l’islam. Enquête historique sur les origines, Perrin, 2012. Son site Internet :www.michelorcel.fr


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Comment s’informe-t-on aujourd’hui ?     1 - Qu'est-ce qu'une information?    T P activité élève : à partir d’un article, d’un extr...